Écrit par Denis Jeanson le . Publié dans introduction

05implantation chrétienne

V Implantation chrétienne

Faisant la jonction entre le monde gallo-romain païen et les grandes invasions, l’occupation chrétienne du sol à partir du IIIe s. laissa peut de traces dans la toponymie jusqu’au VIIIe s.

Les sanctuaires païens des campagnes gallo-romaines pouvaient ou non s’associer à une agglomération permanente : les uns se liaient à un vicus ou village, les autres se trouvaient dans un lieu quasi désert et s’animaient lors des fêtes du dieu : sanctuaire de confins de la déesse mère auprès d’une source ou sanctuaire d’Apollon-Belenus élevé sur un tertre qui pouvait faire office de sanctuaire fédérateur pour toute une Cité. A partir de l’exemple de saint Martin, fondateur des abbayes de Ligugé vers 361, et de Marmoutier vers 371, les évêques durent envoyer leurs moines sur ces lieux pour se retirer au désert, certes, mais surtout pour y prendre la place de l’antistes qui, jusque là, avait été le gardien et le prêtre du lieu saint. Ce changement d’occupant se fit progressivement, favorisé par les édits impériaux qui accordèrent la liberté religieuse, édit de Milan de 313, et qui interdirent progressivement les pratiques des cultes païens jusqu’à leur suppression légale par l’édit de 394.

L’exemple de l’action de saint Martin, évêque de Tours, est particulièrement significative. D’après Grégoire de Tours, il fonda 6 paroisses : Amboise, Candes, Ciran, Langeais, Saunay et Tournon (Histoire des Francs, Livre X, ch. 31). Le nom de ces villes est soit d’origine celtique ou préceltique : Amboise, Candes, Ciran, Langeais, soit d’origine gallo-romaine : Saunay et Tournon.

L’implantation chrétienne commença donc par la population urbaine, certes plus facilement christianisable, mais surtout plus ouverte aux idées nouvelles.

Occupation du sol et population.

Juste après la cité gallo-romaine rutilante, l’imagerie populaire des notables des IVe et Ve s. montre souvent un crépuscule sinistre, des masses confuses de citadins, une campagne perdue dans le brouillard du pillage, des cabanes de paysans en flammes, et, au 1er plan, un pauvre soldat gallo-romain défenseur de la patrie, baignant glorieusement dans son sang. Si ces hordes barbares déferlant sur l’Empire romain devaient effrayer les nantis, que pouvaient-elles ôter aux pauvres ? La barbarisation de la Gaule fut donc un phénomène complexe.

Lorsque ces Barbares arrivèrent en Gaule, ils en trouvèrent d’autres, arrivés avant eux, un peu romanisés, sans doute bien intégrés, qui les combattirent ou qui se rallièrent à eux selon les cas. Engagés par les empereurs romains comme colons et comme soldats, ils étaient là pour cultiver la terre et défendre l’Empire romain. Paysans ou guerriers, défenseurs ou collaborateurs potentiels, ils marquèrent la toponymie. Ainsi, des noms de village s’expliquent par le nom ethnique des barbares qui s’y installèrent.

Entre 400 et 470, des tribus entières, entrées en Gaule de vive force, conclurent des traités avec l’Empire romain et se virent confier la défense d’une région. En échange, les propriétaires gallo-romains leur remirent une partie de leurs domaines. Sur ce type de cohabitation des nouveaux venus avec les indigènes, il existe des témoignages écrits, dont celui du poète Sidoine Apollinaire :
A qui demandes tu un hymne pour la joyeuse Vénus ?
A celui qu’obsèdent les hordes à la longue chevelure,
A celui qui endure le jargon germanique,
Qui grimace un triste sourire aux chants du Burgonde repu ;
Il chante lui, et graisse ses cheveux d’un beurre rance.
Si Sidoine Apollinaire se montre excédé, il révèle que tout se passait à l’amiable. Comment d’ailleurs pouvait-il réagir autrement ? L’Empire romain s’évanouit et ses vainqueurs se conduisent naturellement en héritier légitime. D’où la formation des royaumes barbares indépendants dont l’origine est l’éclatement de l’Empire romain, et que les dissensions, les révoltes, la ruine économique rendirent incapable de se défendre et même de s’administrer, comme Grégoire de Tours le montre dans son Histoire des Francs, rédigée entre 586 et 592.

Devenu politiquement barbare, la Gaule reste démographiquement romaine. En Val de Loire, les Francs enrichirent le latin populaire, qui poursuivit ainsi son évolution propre. Maîtres des terres, leur langue laissa bien des traces en toponymie.
Les témoignages archéologiques sont aussi nombreux. Il est fréquent de trouver des ruines gallo-romaines dans un champ cultivé depuis le XIe s. et dont le toponyme semble récent. Ainsi le lieu-dit Les Bournais, toponyme rappelant la nature de la terre, commune d’Yzeures-sur-Creuse, devait abriter une villa (B.S.A.T., t. 34, 1964, p. 72).

Après 394, lorsque le paganisme fut interdit et que le christianisme devint de fait la religion de l’Empire romain, la constitution de la famille ou gens se modifia et les gentilices se perdirent peu à peu. Le nomen gentilicium devenu obsolète, le suffixe acus disparut pour la création des toponymes et céda la place au mot villa. Ce transfert se fit lentement. Ainsi, Grégoire de Tours, mort en 596, connaît les seuls domaines ruraux dont les noms se terminent en acus ; sur les monnaies mérovingiennes, les toponymes où entre le mot villa sont rares. En français, villa aboutit régulièrement à vile, écrit dès le VIIIe s. ville par réaction étymologique. Jusqu’au XIe s., ville conserva son sens primitif ; puis il prit celui de village, et enfin d’agglomération urbaine. Début XIIIe s., ville conserve parfois encore le sens de domaine rural. Au sens moderne, ville supplanta le mot latin urbs, devenu synonyme du mot cité. A l’origine, cité, civitatem, désigne la ville épiscopale, qui sous l’Empire romain fut capitale d’une circonscription politique et administrative appelées civitas.
Le nom de domaine formé à cette époque se fit parfois avec le suffixe germanique de possession ingen.
Santranges. Bas latin Centrengis ; Centrus, nom d’homme d’origine germanique, et suffixe de possession ingen.
Avec l’époque franque se poursuivit la mise en valeur de la Beauce dans ses parties les plus éloignées des rivières et des routes. Les Germains durent s’installer soit pour renforcer une démographie vacillante, soit pour défricher un sol vierge. Mais là encore aucune trace importante, sinon Allaines, poste militaire et de défrichement au croisement de 2 routes.

Le domaine rural.

Nom de domaine formé à partir d’un nom d’homme d’origine latine, gallo-romaine, germanique, franque et française.

L’usage de désigner le domaine rural par le nom du propriétaire ou du tenancier primitif est commun aux Gallo-romains et aux Gallo-francs ; il persiste jusque sur le cadastre révisé à partir de 1930.

Nom de domaine formé à l’aide d’un nom propre et de Ville.

Le grand défrichement s’accélère avec les Francs. La Beauce se couvre de noms en ville, qui datent de cette époque et de celle des mérovingiens, car ils offrent un grand pourcentage de noms de personnes gallo-romains, noms qui disparurent vers le IXe s. Du IVe au XIVe s., le mot ville conserva son sens de domaine rural en Val de Loire. Le nom qui le précède ou qui le suit peut donc être d’origine latine, germanique ou française. Il signifie : le domaine de tel homme.

Datation.

Le 1er élément est un nom d’homme et les désignations géographiques sont peu fréquentes : lieu-dit créé entre le IVe et IXe s. A la périphérie de la Beauce, les noms en ville comme 2d élément se présentent comme des démembrements de domaines préexistants ou comme de nouveaux centres de défrichements : lieu-dit créé le plus souvent après le VIIIe s. Influencée par la syntaxe germanique d’un milieu bilingue, où le qualificatif se place avant le nom qualifié, la forme Allainville prédomina jusqu’au IXe s. et à partir du VIIIe s., la syntaxe populaire reprit le dessus et forma des composés du type Villepion. L’examen de ces 2 types de lieu-dit fait apparaître les derniers peuplements définitifs : au Sud-Est d’Orgères, près des nom en villiers, et au Nord de Voves. Entre ces 2 types se glisse une autre forme entre les VIIe et VIIIe s., ville suivi du génitif, comme Villepreux = Villa Pirorum. Dernière apparition : Villeneuve est presque toujours postérieur à l’an 1000.

Ce type de toponymes composés de ville est le plus nombreux en Beauce, région naturelle presque sans chevelu de rivière et déjà déboisée au Ve s., dont le sol fertile est propre à la culture des céréales. Cette région s’étend sur les départements d’Eure-et-Loir, de Loir-et-Cher, du Loiret et des Yvelines.
Dès les temps préhistoriques, la Beauce devait être peuplée, car les dolmens qui subsistent sont encore nombreux ; or ces monuments sans doute d’origine funéraire, supposent l’existence d’un habitat dans leur voisinage. La Beauce fut naturellement cultivée, sinon défrichée, par les Gaulois et par les Gallo-romains, car la toponymie révèle une quantité de localités qui doivent leur origine à un domaine rural gallo-romain composé d’un gentilice et du suffixe acus, étudiés dans le chapitre 2.

Avant l’arrivée des Francs, il devait y avoir des domaines à l’emplacement de la plupart des localités en ville, puisque dans celles-ci des antiquités gallo-romaine furent découvertes.
Voici quelques noms :
Eure-et-Loir. Abonville, Cne de Levesville-la-Chenard. Adonville, Cne de Denonville. Affonville, Cne de Gâtelles.
Loir-et-Cher. Édeville, Cne de Bonneval. Herbouville, Cne de Brévainville.
Loiret. Audeville, Augerville-la-Rivière, Bouzonville-en-Beauce, Charsonville, Engeville, Fréville, Guigneville, Juranville, Léouville, Morville-en-Beauce, Nangeville, Sébouville, Thignonville.
Ces domaines furent ruinés et abandonnés soit pendant les invasions du IIIe au Ve s., soit pendant les guerres des époques mérovingiennes et carolingiennes. Le nom de la commune d’Allaines, Eure-et-Loir, rappelle qu’en 442 des Alains s’établirent au Nord de la Loire dans la civitas Aurelianorum, grâce au patrice Aétius, général au service de l’empereur Valentinien III, en punition de la participation que les habitants de cette cité prirent à la guerre d’indépendance du Tractus Armoricanus. Ils rencontrèrent de la part des possesseurs légitimes du sol une résistance désespérée et durent les expulser par les armes. Allaines rappelle sans doute le principal cantonnement de ce peuple, à un nœud de routes important. Après la défaite d’Attila, vaincu par Aétius et le roi des Wisigoths Théodoric 1er, son allié, les Alains disparurent de la Beauce.
La plupart des lieux-dits en ville, dont le 1er terme est un nom d’homme germanique, devaient donc déjà exister sous un autre nom ; leur origine est certainement antérieur aux Germains, et plus particulièrement aux Francs.

Ainsi s’expliquent les toponymes dont le 1er terme pourrait bien être non pas un nom d’homme, mais le nom d’un ancien domaine gallo-romain en acus et en io-ionem, qui reçurent le suffixe villa, de même signification, car ils furent pris pour des noms d’homme et suivirent la même formation toponymique. Par exemple : Villesery, de Villam Sariacum = le domaine appelé Sariacus, Sariacus signifiant le domaine de Sarius ; Vimory, de vicum Mauriacum = le village appelé Mauriacus, Mauriacus signifiant le domaine de Maurius ; Charsonville, de Charsonvilla, le domaine appelé Charson, de Carisionem = le domaine de Carisius ; Tignonville, le domaine appelé Charson, de Tinionem = le domaine de Tinius ; Tressonville, le domaine appelé Trition, de Tritionem = le domaine de Tritius.

Les formations en ville pullulèrent du VIIe au Xe s., soit entre la période mérovingienne et la fin des invasions des Normands qui, de 850 à 950, ravagèrent la région comprise entre la Seine et la Loire moyenne. Ainsi, pour les noms de lieux dans le Val de Loire, 2 langues fournirent les dénominations les plus importantes : le celte et le latin ; l’influence germanique, tardive et superficielle, s’exprimant surtout dans le foisonnement des noms propres latinisés.

Villiers, qui représente dans son principe un démembrement de la villa, accuse donc un défrichement plus tardif que villa, apparaît vers le VIIe s. et se trouve plus fréquemment dans les endroits les plus reculés et à la périphérie du plateau ; il apparaît çà et là comme un démembrement accidentel.

En fait de défrichement, il s’agit, de fait, de redéfrichement opéré sous l’impulsion des chefs francs, par une main-d’oeuvre plus ou moins hétérogène, mais dont le latin populaire était ou devint rapidement la langue commune. Ces défrichements furent donc dans leur essence discontinus et suivirent les besoins de l’homme ; ils suivirent les mouvements de population et avec les invasions et les guerres, la forêt et la broussaille reprirent le dessus. La stabilisation de ce défrichement se fit à partir du XIe s. Cet état de fait révèle 2 phénomènes : la lente évolution de la langue, signe de la mentalité d’un peuple, et la longue incubation de l’expansion démographique et économique du XIe au XIIIe s.

Début XVe s. apparaît le toponyme qui désigne des domaines par un nom de famille au pluriel ; il évoque des frerêches ou des communautés taisibles = tues, au sens de cachées, secrètes, et signifie : le domaine appartenant à la famille ou exploité par la famille.

Nom de domaine formé à l’aide d’un nom propre français et du suffixe féminin de possession ière.

A la suite d’affranchissements octroyés aux serfs appartenant à des seigneurs laïcs et ecclésiastiques, dès 1060-1075 apparaissent dans les documents des toponymes français formés à l’aide d’un nom propre d’homme et du suffixe féminin de possession ière, en latin aria, indiquant la propriété, sous-entendu un substantif tel que terre, maison, ville au sens de domaine rural. Leur aire coïncide souvent avec celle de l’habitat dispersé, car ils correspondent généralement à des exploitations nouvelles et individuelles.

A l’origine, l’interdiction de clore et de planter frappe seulement les champs établis sans concession régulière sur des terrains appartenant à la communauté villageoise ou au seigneur de la paroisse. De tout temps, ce dernier favorisa la mise en valeur d’une terre vaine et vague pour en recevoir les droits féodaux ; mais il entend presque toujours limiter les empiétements des petits cultivateurs pour garder la liberté de susciter lui-même des entreprises de défrichement et s’efforcer de constituer sur la terre inculte, des établissements définitifs, des corps de fermes dotés des terres nécessaires pour mettre en marche une exploitation agricole indépendante : il attache alors à ces terres distraites de la lande la qualité de censive, qui comporte l’autorisation de clore, et il offre à prix d’argent la concession du nouveau domaine ainsi créé. Le défricheur qui se présente pour conclure ce contrat d’accensement est le plus souvent un homme jouissant d’une opulence certaine, riche laboureur qui veut arrondir son domaine, voire un bourgeois de la ville en vue d’un placement, car le défrichement du terrain et les frais de premier établissement exigent presque toujours une importante mise de fond. Muni de clôtures et des bâtiments indispensables, le nouveau domaine est généralement mis en exploitation à l’aide d’un métayer : il prend alors un nom tiré celui de son propriétaire ou tenancier primitif, Girard engendrant Girarderaie, Girarderie ou Girardière, Guignard, Guignarderaie, Guignarderie, ou Guignardière, ou un nom qui exprime sa qualité de terrain enfermé de haies, Deffends, Plessis, pour l’opposer aux champs ouverts où se pratiquent encore les cultures temporaires. La création de ces 2 types de toponymes s’amplifia jusqu’au XIVe s.

Si Deffends et Plessis sont sans ambiguïté, le suffixe ière joua le même rôle que le suffixe gallo-romain acus, et appelle les remarques suivantes pour le reconnaître :
1° Dans le toponyme formé avec un patronyme précédé de l’article Le, cet article est toujours éliminé. Exemple : La Blanchière = le domaine de Le Blanc ou Leblanc ; La Roussière = le domaine de Le Roux ou Leroux.
2° Dans le toponyme formé avec un patronyme terminé en eau, ce patronyme est toujours sous la forme qu’il avait avant la vocalisation du l en au. Exemple : Rousseau, Roussel, La Rousselière = le domaine de Rousseau.
3° Dans le toponyme formé avec un patronyme terminé en ier, cette finale fusionne avec le suffixe ière pour des raisons d’euphonie. Exemple : La Bernière, au lieu de La Bernierière = le domaine de Bernier ; La Guerrière, au lieu de La Guerrierière = le domaine de Guerrier.
4° Au pluriel, le toponyme prend un sens collectif. Les Bernières, au lieu de Les Bernierières = les terres de Bernier ou le domaine de la famille Bernier. Les Babinières = les terres de Babin ou le domaine de la famille Babin. Cet emploi indique le plus fréquemment que le domaine et ses terres furent la propriété :
- au Nord de la Loire et en Touraine, de cofrêcheurs, personnes solidaires dans le payement de la redevance du cens et/ou de la rente.
- au Sud de la Loire et en Berry, d’une communauté taisible, personnes solidaires dans l’exploitation du domaine.

Le pluriel peut aussi indiquer les terres qui entourent le domaine : ainsi, la Barbinière, communne de Luynes, est entourée du Clos de la Barbinière, partie exploitée en vigne, et des Barbinières, partie exploitée en terre de culture, céréale et élevage.

Nom de domaine formé à l’aide d’un nom propre français et du suffixe féminin de possession erie.

Le suffixe erie est un doublet demi-savant du suffixe ière, donc plus récent. Il apparaît fin XIIIe s. Pour des raisons d’euphonie, le suffixe erie fut parfois remplacé par le suffixe ie, quand le nom d’homme se terminait par ier ou er. La formation de ces toponymes est identique à celle en ière.
Le nom dont la structure sémantique semble Ve-VIIIe s., interdit donc d’affirmer que telle villa, tel lieu-dit date de l’époque franque : 550-650, car reste toujours possible la réappellation d’un site antérieur ou le déplacement de l’habitat de quelques centaines de mètres. Une zone de toponymie VIIe-XIe s. peut donc être vide ou bâtie sous les Gaulois, et même avant. Suivant le cours des peuplements, cette toponymie se compose de 4 couches :
- latin villa et curtis, au sens de domaine rural.
- suffixe acum et eium et un radical non anthroponymique.
- hagiotoponymes formés avec des noms de saints honorés avant 1050.
- noms communs, notamment avec le suffixe aria, dont la forme plurielle arias est majoritaire, à distinguer de la terminaison ière féodale et post-féodales, XIIe s. et suivants. Les suffixe y et ay non anthroponymique sont souvent interchangeables avec des suffixes ières.