Maurice Bouguereau

et le

Théâtre François


Carte, théâtre et atlas

La 1re carte du monde daterait du Ve s. avant Jésus-Christ, et vient de Babylone, gravée sur une simple tablette d’argile, aujourd’hui conservée au Bristish Museum de Londres. La terre est ronde, c’est indiscutable ; et cette idée qui pouvait apparaître aussi absurde que géniale, surgit en Grèce au VIe s. avant notre ère. A cette époque, chacun y allait de sa petite carte, osant introduire dans des données concrètes quelques envolées lyriques ; aussi ces cartes, qui pourraient paraître naïves, trop ornées ou maladroites, sont avant tout le reflet de la culture, de l’évolution scientifique et économique du pays d’origine de leur auteur et de celui qu’elles représentent.
Vers 160, le bibliothécaire d’Alexandrie Ptolémée composa une grande carte du monde qui fut à l’origine de toutes les oeuvres cartographiques postérieures, même si quelques erreurs pardonnables se glissèrent dans cette géniale invention. Compte tenu de l’état de la science mathématique, personne ne lui en voudra d’avoir évalué la circonférence de l’équateur à 32.000 km. Et Ptolémée fut copié et recopié par tout un chacun, sans honte et sans scrupule.
Les nécessités économiques, l’ère des voyages et des grandes découvertes, l’utilisation de la boussole, la connaissance des vents et des courants vinrent au secours de la cartographie. Pionniers, les Portugais ouvrirent les routes maritimes ; et gloire soit rendue à l’allemand Martin Behaim (1436-1506), mathématicien et médecin du roi Jean II du Portugal, qui imagina le globe terrestre relativement fidèle à la réalité, même s’il manque encore un élément fondamental : l’Amérique.

En 1454, Johann Gutenberg inventa l’imprimerie et révolutionna l’art de la cartographie. Jusqu’alors, chaque carte se dessinait à la main et se copiait l’une sur l’autre, chacune étant unique dans sa perfection comme dans son imperfection. La première carte imprimée fut celle de Lorraine, en 1513. D’abord gavées sur bois comme les incunables, au XVe s., puis sur cuivre, au XVIe s., les deux techniques coexistant entre 1490 et 1520, les cartes connurent un grand développement dès 1510. Cet état de grâce persista jusque vers 1820, époque où la lithographie commença à prendre le relais de la gravure.

L’oeuvre de Ptolémée se diffuse largment grâce à l’imprimerie et, paradoxalement, cette référence géographique qui réussit à passer si brillament 12 siècles, se voit contestée par son propre succès : les voyages se multiplient, les vérifications se font et la référence obligée s’écroule devant le concret du théâtre que rapporte l’explorateur-géographe. Un nom reste à jamais dans l’histoire de cette évolution : Gérard Kremer, dit Mercator (1512-1594), considéré comme le père spirituel de la cartographie aux Pays-Bas. Il crée une carte de l’Europe qui lui vaut l’hommage des lettrés, et imagine la carte maritime grâce à laquelle le navigateur pouvait tracer sa route en ligne droite. Une révolution.
Et pourtant le 1er atlas fut l’œuvre d’Abraham Ortell, dit Ortelius, géographe flamand né et mort à Anvers (1527-1598), en 1585 : 70 cartes détaillées des pays d’Europe, d’Afrique, d’Amérique, d’Asie, ainsi que 4 cartes des continents et une carte du monde, dans un assemblage systématique de 53 feuillets.
Quant à Mercator, son atlas, qu’il avait tardé à faire paraître dans un but perfectionniste, vit le jour seulement après sa mort. Une belle revanche posthume, et grâce à ce travail, le terme d’atlas fut définitivement adopté.