Maurice Bouguereau

et le

Théâtre François


 

L’homme et la genèse de l’œuvre


L’homme et l’œuvre. Impression et publication. Contrat Maurice Bouguereau - Gabriel Tavernier. Payements du Théâtre François. Cession Jamet Mestayer - Maurice Bouguereau. Cartes. Flamandes. Françaises. Chronologie des cartes. Sources des notices.

Maurice Bouguereau passe comme un météore dans l’édition tourangelle avec ses 2 œuvres :
- Le Théâtre François, qu’il publia sur son imprimerie en octobre 1594.
- Quatrains, en l’honeur du roi Henry quatriesme, roy de France et de Navarre : Joints de Prières et Action de grâces de la France. Pour sa Majesté. Tours, Maurice Bouguereau, 1595, In fol. Plano, contenu dans les Belles figures et drolleries de la Ligue, reueil factice de Pierre de l’Estoile, fol. 40 v°.
Trois sources permettent de connaître la vie et l’oeuvre de Maurice Bouguereau :
- son activité professionnelle, les livres qu’il imprime dans son atelier tourangeau.
- les contrats notariés qu’il passe avec Gabriel Tavernier pour graver ses planches et avec Jamet Mettayer pour lui racheter son matériel professionnel.
- les payements faits par le corps de la ville de Tours, pour l’achat de son Théâtre François.
Soit une période qui s’étend de 1589 à 1596.
Son nom patronymique est typique du Val de Loire. Sans doute ligérien, il dut naître avant 1560 entre Saumur et Blois, où ce patronyme est très répandu. Une chose est certaine, ni son baptême, ni son mariage, ni son inhumation n’eurent lieu à Tours. Comme Jean Le Clerc, son collaborateur et successeur, regagna Paris vers 1596, sans lui, déà vieux ou dispensé par son métier, puisqu’il est exempté de veiller sur les remparts de la Ville de Tours, Maurice Bouguereau dut mourir entre 1596 et 1600, en pleine force de l’âge ou très vieux ; la 1re hypothèse paraît la plus vraisemblable. Ainsi la mort l’empêcha de réaliser le projet d’une réédition plus complète de son Théatre françois ; ce qui expliquerait la manière dont ses quatrains furent publiés en 1595 et la correction de la date sur les exemplaires conservés au British Museum de Londres et à la Bibliothèque Nationale de Paris.

Par son édit de février 1589, donné à Blois, Henri III décida de transférer le parlement de Paris et la chambre des comptes à Tours, où les suivirent la cour et maints gens de biens et de métier, dont les imprimeurs parisiens au service de ces 2 administrations royales. Ainsi, l’imprimeur parisien Jamet Mettayer imprima cet édit à Tours en 1589 ; en août 1590, ce même Mettayer imprima à Tours les Lettres patentes de Henri IV du 1er août 1590, données au camp de Saint-Denis, pour la continuation du parlement à Tours. Par Lettres patentes du 28 mars 1594, données à Paris, Henri IV rétablit la cour de parlement à Paris.
L’un de ces réfugiés, Gabriel Tavernier, flamand, graveur sur cuivre dans l’atelier de Plantin à Anvers, éditeur d’Ortelius, que les troubles religieux conduisirent de cette ville à Paris en 1573, dut suivre la cour à Tours.
L’activité du libraire Maurice Bouguereau à Tours fut sans doute modifiée et se lia intiment à cette nouvelle situation.
Elle est connue par 4 actes qui se situent presque entre ces 2 dates: son contrat du 8 février 1590 avec le graveur Gabriel Tavernier, son achat du matériel de l’imprimerie de Jamet Mettayer du 2 juin 1594 alors que celui-ci habitait de nouveau Paris et avait repris ses anciennes activités professionnelles, et le payement par le corps de ville de Tours d’un exemplaire de la carte de Touraine de Ysaac François en avril 1592 et du Théâtre François en 1595.

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Impression et publication.

Libre discours par UN GENTILHOMME LORRAIN, TRES HUMBLE SERVITEUR DV Tres chrestien Roy de France & de Nauarre, Henry IIII. Avx Malcontents et a ceux qui sont encores demourez en la Ligue, pour les retirer d’icelle [Vignette] A TOVRS, Par Maurice Bouguereau, à la petite fontaine du Carre de Iean Beaune, M.D.CXIIII [sic]. In 4°., (2) et 110 feuillets chiffrés 1-46, 49-112, signé A-Z², a-e². Paris, B.N. : 8° Lb 35/599.
Guy Du Faur, seigneur de Pibrac : LES QVATRAINS DV SEIGNEVR DE PYBRAC, CONSEILLER DV ROY EN SON Conseil priué. A la fin desquels, auons adiousté les Plaisirs de la vie rustique, composez par ledict Sieur de Pybrac [Armes de France et de Navarre] A TOVRS. Par Maurice Bouguereau, tenant sa boutique à la petite Fontaine du Carroy de Beaulne, In 8°, (40) pp., signé A-E4. Poitiers, B.M. : DP 162/2. Probablement imprimé en 1594, avant que Maurice Bouguereau ne change d’adresse.
ARREST DE LA COVR DE PARLEMENT, Contre Iean Chastel escholier estudiant au college des Iesuites, pour le parricide par luy attenté sur la personne du Roy [Fleuron] A TOVRS, Par Maurice Bouguereau, Imprimeur, & Libraire, demeurant en la rue de la Séellerie, pres la Trinité, 1595. In 8°, 8 pp. Paris Arsenal : 8° NF 5544/1. Prononcé et exécuté le 29 décembre 1594.
Maurice BOUGUEREAU : QUATRAINS, EN L’HONNEUR DV ROY HENRY QVATRIESME ROY de France et de Nauarre : Ioincts de Priere et Action de graces de la France. Pour sa MAIESTÉ. [27 quatrains sur 3 colonnes] A TOVRS, PAR MAVRICE BOVGVEREAV, AVEC PRIVILEGE DV ROY, 1595. Placard. Format : 372 x 325 mm. Paris B.N. : Rés. Fol. La 25/6, pièce 128. Les Grandes figures et drolleries de la Ligue recueillies par Pierre de l’Estoile (Paris 1877) 339-343. Réimpression des quatrains figurant au recto et au verso du folio A 3 du Théâtre françois. Dans le recueil de Pierre de L’Étoile, le portrait de Henri IV, figurant au fol. A 2 v° du même ouvrage, est collé au dessus.
LETTRE DV ROY, A MONSIEVR DE SOVVRE, sur l’Assassinat entrepris sur la personne de sa Majesté.[Armes de France et de Navarre] A TOVRS, Par Maurice Bougue reau, Imprimeur : Rue de la Séellerie, pres la Trinité. In 8°, 6 (2 blancs) pp. Paris, B.N. : 8° Lb 35/580. La lettre est datée de Paris, du 27 décembre 1594 ; l’impression peut donc être de janvier 1595.

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Contrat entre Maurice Bouguereau et Gabriel Tavernier.

La disparité du recueil s’explique par les sources différentes, mais l’œuvre gravée est de la même main : Gabriel Tavernier, comme l’attestent le monogramme G T au cartouche de 7 cartes, l’examen critique des autres et le contrat que Maurice Bouguereau et le graveur passèrent devant Jehan Foucher, notaire à Tours :
Le 8e jour de février, l’an 1590, en la cour du Roy nostre sire à Tours, fut présent en sa personne estably et deument soubmiz Gabriel Tavernier, graveur en cuivre, Flamant, demeurant à Paris, rue Sainct-Jehan-de-Latran, à l’enseigne de la Samaritaine, parroisse Saint-Benoist-le-Bien-Tourné, estant de présent en ceste ville de Tours.
Lequel a promis et promet par ces présentes, à honorable personne Maurice Bouguereau, marchant libraire, demeurant aud. Tours, parroisse Saint-Saturnin, présent et acceptant, de luy tailler et pocher en une table de cuivre, qui luy sera baillée par led. Boguereau, une carte de France de
[Guillaume] Postel, pareille à celle que led. Bouguereau luy a ce jourd’huy montrée en une feuille de papier et icelle rendre faicte et parfaite, de pareille forme et grandeur, au plutost que faire se pourra, à commancer dedans 8 ou 10 jours prochains venants et continuer sans intervalle jusques ad ce que lad. besongne soit faite et parfaite et sans qu’il puisse entreprandre autre besongne pour y travailler que lad. carte ne soit faite.
Et pendant le temps que led. Tavernier sera à faire lad. carte, sera tenue led. Bouguereau le loger et luy fournir de lit et bois pour se chauffer bien et honnestement selon sa qualité, moyennant et à raison de 12 s. par jour qui luy seront déduits sur ce qui se treuvera luy estre deu pour la fasson de lad. carte ; pour laquelle carte faire sera tenu led. Bouguereau luy payer la somme de 26 escus soleil, assavoir moitié lad. besogne my faite et le reste lad. besongne faite et parfaite comme dessus est dit.
Et quant à tout ce que dessus obligent lesd. parties l’une et l’autre, eulx et leurs hoirs et biens, et mesme led. Tavernier son corps à tenir prison, nonobstant, promettant, renonçant.
Ce fut fait aud. Tours en l’estude dud. notaire après midi, en présence de Martin Gentilz et Loys Rochebouet, praticiens aud. Tours, tesmoings.
Signé : Gabriel Tavernier, Maurice Bouguereau, Jehan Foucher, notaire
(Foucher-Tours-8 février 1590).
Quittance.
Et le 23e jour d’avril 1590, en présence de moy, notaire royal à Tours soussigné et des ci-dessous scripts, led. Gabriel Tavernier a confessé avoir reçeu dud. Morisse Bouguereau la somme qui luy estoyt deue et que se pouvoit monter et revenir pour la besongne par lui faite pour led. Bouguereau, comme aussy led. Bouguereau a confessé lad. besongne bien et deument estre faite.
Dont et de tout le contenu d’iceluy accord ils se sont tenus pour comptant et se sont quittés et se quittent l’un l’autre
(Foucher-Tours-23 avril 1590).
La carte est celle de Guillaume Postel, qui ouvre le Théâtre François, et porte pour titre : Gallia. Guillelmus Postellus describebat.
En effet, Maurice Bouguereau dit dans sa dédicace au Roi :
Or, est-il, Sire, que quand Vostre Majesté passa Loyre pour venir à Tours, j’avoys fait graver la carte générale de la France.
Les 18 cartes furent gravées entre février 1590 et mars 1594, car fin mars 1594, Paris ouvre ses portes à Henri IV, et les imprimeurs parisiens installés à Tours regagnèrent Paris. Gabriel Tavernier signa de ses initiales G. T. : L’Anjou, Le Berry, Le Blaisois, Le Limousin, Le Maine, La Picardie et La Touraine ; les autres sont de lui comme le confirment les flamandismes de la toponymie des cartes gravées d’après d’autres cartes gravées ou manuscrites françaises.

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Payements de la carte de Touraine et du Théâtre François.

Délibération de l’Hôtel de ville. Mercredi 1er avril 1592.
S’est comparu en lad. assemblée Maurice Bouguereau, libraire aud. Tours, qui a remonstré comme n’estant aparu jusques à présent qu’il eust par aucun esté entreprins de faire mettre en lumière la carte particullière de la province et duché de Touraine, considérant néantmoins combien l’usaige en pourroit estre utille au public et principallement que ce corps de ville en pourroit tirer quelque fruict, en exécution du pouvoir qu’il a du Roy de commender en l’absence de Monsieur le gouverneur, led. Bouguereau, meu de zelle et affection au service de Sa majesté et de lad. ville, n’ayant esgard à la despence qui luy convenoit faire pour ce entreprendre, ains postposant son proffit particullier, auroit fait premièrement tailler en cuivre et taille doulce la planche de lad. carte, et de laquelle il auroit aussy faict tirer une coppie en vellin, et icelle fait enluminer et décorer aultant qu’il luy a esté possible, l’ayant encores acompagné de discours historié en l’honneur de lad. ville et habitans dud. Tours, laquelle il a à l’instant exibée, faisant d’icelle don et présent aud. corps de ville et pour le service de lad. ville.
Sur quoy, en acceptant par led. corps de ville lad. carte et bonne intention dud. Bouguereau, a esté conclud, pour aucunement recongnoistre et soullaiger iceluy Bouguereau de la despance par luy pour ce faicte, et attendu l’utillité qui peut estre receue par le public et lad. ville en l’usaige d’icelle, qu’il luy sera fait présent de quelque somme de deniers et pour recongnoistre plus particulièrement le mérite de la chose et entendre dud. Bouguereau la despence qu’il peut avoir pour ce faicte, ont esté commis les Sieurs du Faultrey et Savare, eschevins, suivant le rapport et advis desquelz sera ordonné ce que de raison (A.C. de Tours-BB 25, fol. 75).
Du lundi 6 avril 1592.
Après que les Sieurs de Faultrey et Savare, eschevins et commissaires en ceste partie par délibération de lad. ville du 1er jour de ce présent moys, ont faict leur rapport sur le contenu en lad. délibération, et déclaré estre d’advys qu’il soict faict don au Sr Maurice Bouguereau, libraire, de la somme de 30 escuz, pour aucunement luy récompenser de la despence par luy faicte pour la taille et impression de la carte du pays et duché de Touraine, et pour avoir faict présent à lad. ville d’une desd. cartes en vellin et enluminée, a esté ordonné que le payement sera faict par Me Nicolas Le Royer, recepveur, aud. Bouguereau, de lad. somme de 30 escuz, de laquelle luy est faict don en recongnoissance que dessus (A.C. de Tours-BB 25, fol. 76).
Quittance.
Aud. Bouguereau, libraire aud. Tours, la somme de 30 escuz soleil à luy ordonné pour aulcunement le recongnoistre et soulager des fraiz et despens par luy faicte à faire graver et inprimer une carte particullière de la province et duché de Touraine, et icelle mise en lumière pour la décoration et louange de lad. ville et dud. païs comme plus à plains appert par 2 ordonnances de lad. ville, l’une du 1er jour d’avril et l’autre du 6e jour dud. mois 1592, signés dud. Sr [François] Maillé, maire et [Philippe] Gueston, greffier, en vertu dequelles pièces led. comptable a faict paiemen contant aud. Bouguereau d’icelle somme comme aussy appert par sa quictance signée de sa main le 13e jour dud. mois d’avril aud. an. Cy 30 escus.
(A.C. de Tours-CC 104, fol. 423 v°-424, 1591-1592).
Le 12 juillet 1595, Maurice Bouguereau présente lui-même au corps de ville son oeuvre :
A esté veu en l’assemblée certain livre présenté en icelle par Maurice Bouguereau, imprimeur aud. Tours et autheur dud. livre, intitullé Le Théâtre Françoys, dédyé au Roy, avec une épeitre adresant à ce corps et communaulté, remplie de plusieurs belles dictons en l’honneur de cested. ville, comme il a esté recongneu par la lecture qui en a esté présentement faicte.
Pourquoy a esté délibéré incontinant qu’il sera faict remerciement aud. Bouguereau de l’honneur par luy rendu à lad. ville en la confection de sond. livre ; et qu’en recongnoissance dicelluy et du grand labeur qu’il y prétend avoir employé et pour aucunement luy donner moyen de supporter la despence qui luy a convenu faire pour rendre l’impression et composition dud. livre à leur perfection, sera faict don aud. Bouguereau de 12 escuz sol., laquelle est mandé à son recepveur de bailler aud. Bouguereau en vertu de lad. traict de la présente et de quictance sufisante, raportant lesquelz, la despence en sera passée et allouée aud. recepveur sans difficulté. Et a esté led. livre mis au Trésor des Chartes de lad. ville pour s’en servir aux ocasions à ce nécessaires (A.M. de Tours-BB 26, fol. 66 r°, 12 juillet 1595).
Quittance.
A Maurice Bouguereau, imprimeur, la somme de 12 escuz sol. pour certains livres appellés Le Téatre François, dédié au Roy, avec ung espitre adressant au corps de lad. ville, remply de plusieurs belles dictons en l’honneur d’icelle, ainsy qu’il appert par ordonnance de lad. ville en datte du 12e jour de juillet 1595, signé dud. sieur [Victor] Brodeau, maire, et Goury, et quictance dud. Bouguereau, signée de sa main, dattée du 18e jour d’aoust aud. an. Cy 12 escus (A.M. de Tours-CC 112, fol. 575 v°, 1594-1595).

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Cession par Jamet Mestayer, imprimeur-libraire, de matériel et de son privilège du Roi, à Maurice Bouguereau.

Avant de quitter Tours, Jamet Mettayer vendit à Maurice Bouguereau ses presses, ses lettres et autres ustensiles :
Le 2e jour de juing, l’an 1594, en la cour du Roy nostre Sire à Tours, pardevant Charles Bertrand, notaire royal en icelle, fut présent, étably et soubmis honorable homme Maurice Bougreau, marchant imprimeur de livres, demeurant en ceste ville de Tours, paroisse de Saint-Saturnin,
Lequel vollontairement a recongneu et confessé debvoyr bien et loyautement à honorable homme Jamet Mestayer, marchant imprimeur ordinaire du Roy et libraire, demeurant à Paris, estant aud. Tours, à ce présent, stippullant et acceptant, la somme de 255 escus soleil pour convention de vendition et livraison ce jourd’huy faicte par led. Mestayer aud. Bouguereau de 2 presses garnyes de toutes leurs ustancilles, faictes de toutes sortes de lettres apartenans à imprimer, apartenans aud. Mestayer, estans en ceste ville de Tours, en ce comprins les livres de papier aussi ce jourd’huy vendus et livrés par led. Mestayer aud. Bougreau.
Comme led. Bougreau a présentement deument recongneu et confessé estre contable des 2 presses propres pour imprimer de livres et pappier, dont led. Bougreau s’est tenu contant et en a quicté et quicte led. Mestayer.
Comme aussy par ces présentes led. Mestayer a ceddé et transporté aud. Bougreau à ce acceptant le droict du privillège par luy obtenu du Roy pour imprimer la Coustume de ce pays et duché de Touraine, bien et ainsy que led. Mestayer eust peu et pourroyt faire et y a du tout mys et soubmis led. Bougreau en son lieu et plasse, comme il se propose estre faict, le tout pour et moyennant lad. somme de 255 escus soleil ; laquelle somme de 255 escus soleil led. Bougreau a promys et promect de paier aud. Mestayer, ce acceptant, dedans le jour et feste de Noël prochain venant, et rendre à ung seul payement en la ville de Paris en la maison dud. Mestayer sans aulcun interest.
Et à tout ce que dessus lesd. partyes se sont obligées et s’obligent respectivement, et mesme led. Bougreau pour led. payement tous et chacun ses biens meubles et immeubles présens et advenyr de son propre, jusques aux plein et entier payement. Et à se tenir, etc. Le tout en présence de Vincent Lefebvre, fondeur de lettres d’imprimerie, Loys Belouais, imprimeur, et me Jehan Chastry, praticien, demeurans aud. Tours, tesmoings à ce requis.
Singé : Jamet Mettayer, Maurice Bouguereau, Vincent Lefevre, Lois B, Bertrand, Jehan Chastry (Bertrand-Tours-2 juin 1594).
Maurice Bouguereau se servit de tous ces instruments pour imprimer son texte, comme en témoignent les bandeaux en taille de bois, les farandoles de génies et les groupes de vertus qui le décorent aux initiales de Jamet Mettayer, I. et M., mais ne put sans doute jamais jouir du privilège d’imprimer la Coutume de Touraine. En même temps que cette transaction, Gabriel Tavernier regagnait Paris.

Cartes.
Soit dès 1589 à cause de cette situation nouvelle, soit en 1590 à la suite du travail de Gabriel Tavernier, Maurice Bouguereau conçut le projet d’un atlas national qu’il publia inachevé en octobre 1594, et sans doute en toute hâte à cause du départ définitif du Roi et de la Cour, sous le titre Le Théâtre François, où chaque planche est accompagnée d’un texte historique et de vers français ou latin.
Comme il n’avait ni l’érudition d’Abraham Oertel, dit Ortelius, ni la science de Gérard Kremer, dit Mercator, il s’enquit d’hommes entendus ès mathématiques et géographie.

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Cartes originales.
Maurice Bouguereau obtint ainsi le concours de Jean du Temps, jurisconsulte blaisois, d’Ysaac François, voyer de Touraine, d’Antoine Fayen, médecin limousin et d’autres qui signèrent de leurs initiales et qui, pour cette raison, restent encore inconnus.
- Description du Pays Blaisois. Oeuvre de Jean du Temps (Joannes Temporarius), advocat et jurisconsulte fameux, et outre ce adonné aux mathématiques, géographie et supputateur du temps. Ce jurisconsulte et mathématicien explique sa méthode dans les cartouches de sa carte, placés dans les vides de sa carte, rédigée en latin et en français.
- Limousin. Oeuvre d’Antoine Fayen (Fayanus), médecin de Limoges, qui oublie la majorité des étangs, des abbayes et des châteaux, pour en indiquer à l’occasion la destruction. Cette carte propose près de 700 noms de lieux-dits, dont plusieurs reflètent la prononciation locale. Maurice Bouguereau le dit excellent mathématicien et géographe, mais il n’établit pas formellement les latitudes et les longitudes.
- La carte du Duché de Touraine. Œuvre d’Ysaac François, voyer royal au duché de Touraine, qui explique sa méthode dans le cartouche supérieur droit. Il indique avec soin les rivières et leurs îles, les ponts et les ports ou passages d’une rive à l’autre. Fils d’architecte, son canevas se construit selon les coordonnées indiquées dans son cartouche.
La partie de territoire reproduit s’étend de Vaas, Vouvray-sur-Loyr et Chahaignes, dans le Maine, au N., jusqu’à Villeigne, Tourion et Mun-sur-Indre en Berry, au S., de Bloys et Selles en Berry à l’E., jusqu’à Candes et Montsoreau à l’O. A l’angle supérieur gauche, l’écusson est gravé aux armes de la ville de Tours. Au-dessous se lisent les 20 noms des Isles de la Rivière de Loyre et dont les numéros correspondent à ceux marqués sur la carte.
L’angle inférieur gauche porte les armes de François Maillé, maire de Tours : De ... au chevron de ... accompagné à dextre d’un arbre de ... traversé d’un bâton péri en barre de ..., à senestre d’un épervier posé sur le chevron, et en pointe d’une fleur de lis.
Cette carte met en scène 4 acteurs :
- Gabriel Tavernier, le graveur.
- François Ysaac, viarum magister, maître des voyes et oeuvres du Roy. Auteur de la Topographie du Pays et duché de Touraine, avec quelques remarques sur les Antiquités de cette province, 1592. Cette carte devait en faire partie.
- Maurice Bouguereau, l’imprimeur-librairie.
- François Maillé, le maire de Tours.
Ces deux derniers se connaissaient et s’appréciaient. D’où l’achat par la ville de Tours de la carte séparée, puis du Théâtre François complet en 1595.

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Cartes flamandes.
Pour compléter son atlas, Maurice Bouguereau entreprit de faire copier des cartes déjà publiées des autres provinces. Ainsi qu’il le confesse lui-même, il reprit ce que les Flamands avoyent tiré de nos géographes françois. Sur les conseils de Gabriel Tavernier ou de Jean Le Clerc, son commis parisien auprès de Christophe Plantin, il se servit du Theatrum Orbis Terrarum qu’Ortelius publia en 1570, soit sur la 2de édition de 1575, soit sur l’édition française de 1581. Il fit copier par Gabriel Tavernier :
- la France d’après Jean Jolivet
- l’Anjou d’après Lezin Guyet
- le Berry d’après Jean Chaumeau
- le Boulonnais d’après Nicolas de Nicolaï, géographe de Charles IX
- la Limagne d’après Gabriel Siméoni
- le Poitou d’après Pierre Roger
- le Vermandois et la Picardie d’après le flamand Jean Surhon.
En 1593, le recueil Galliae Tabulae geographicae que Mercator avait publié à Duisbourg en 1586, lui fournit 4 autres cartes :
- le Dauphiné, Languedoc, Gascoigne, Provence et Xaintonge.
- la Bourgogne et la Lorraine en 2 feuilles.
- la France de Jean-Baptiste Vrints
- la France de Josse Hondius.

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Cartes françaises.
Pour essayer de combler le déficit des cartes de provinces manquantes, Maurice Bouguereau fit encore graver :
- Carte de France, réédition de la Vraye et entière description du Royaume de France et ses confins, gravée sur bois en 1570 par Guillaume Postel, dont il fournit un exemplaire à Gabriel Tavernier, lors du contrat du 8 février 1590.
- Maine. Carte tirée de : Macé Ogier, prêtre manceau, Le Diocèse du Mans, 1re édition, 1539, rééditée en 1565.
- Bretagne. Carte tirée de Bertrand d’Argentré, Description du Pays Armorique, à présent Bretagne, tirée de l’Histoire de Bretaigne, chez Jean Du Puys, Paris, 1588, avec des fautes de lecture et de copie. Paris, Bibliothèque Nationale-Rés. LK2 446.

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Chronologie des cartes.
Leur réalisation peut s’établir comme suit :
- Guillaume Postel, carte de France : février-mars 1590.
- Jean Jolivet, carte de France : 1590.
- l’Anjou : 1591.
- le Poitou, le Berry, La Limagne, gravées avant le début 1591. Les planches Berry et Limaigne porte Cum privilegio et non pas Cum privilegio Regis ; Gabriel Tavernier recopia donc l’inscription de la carte d’Abraham Ortelius, qu’il reproduisait
- La Bretagne, Pays de Maine, entre février et juin 1591. Ces cartes n’ont pas de privilège royal et portent l’adresse Caesaroduni Turonum.
- Le Blaisois, porte : avec privilège du Roi, donc après le 12 juin 1591.
- La Touraine, début 1592, car la dédicace au maire de Tours est datée du 25 février 1592.
- Le Boulonnais, Le Vermandois, La Picardie, après mars 1592.
- La carte du Dauphiné, du Languedoc, de La Gascogne et de la Xaintonge, les 2 cartes de La Lorraine, La Bourgogne, La France de Plancius, 1593.
- Le Limousin porte la dédicace du 17 février 1594.
La gravure fidèle de ces divers documents explique en partie la disparité du Théâtre François, atténuée par la manière de graver de Gabriel Tavernier, comme l’attestent le monogramme G T au cartouche de 7 cartes et l’examen critique des autres, par exemple la représentation des forêts et des rivières que le graveur tenta d’unifier.

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Sources des notices.
Tandis que Gabriel Tavernier grave, Maurice Bouguereau écrit le texte qui doit accompagner les planches pour faire le recueil.
Ces notices sont imprimées au revers des cartes. Ce type de publication exigeait alors un tel accompagnement. Après avoir traité De la Monarchie françoise, au revers de la carte de France, Maurice Bouguereau évoque brièvement en prose et en vers, l’histoire et la géographie des provinces dont il publie la carte, qu’il tira enpartie des œuvres suivantes :
- Bertrand d’Argentré, Histoire de Bretagne, avec la carte géographique dud. Pays, Jean Du Puys, 1588, 2e édition. Bibliothèque Municipale de Rennes.
- François de Belleforest, Cosmographie universelle, Paris, 1575. Paris, Bibliothèque Nationale, G 448. Il en résume plus spécialement les passages suivants : t. II, p. 159, 161, 166, 366, 396 ; t. III, p. 13, 42, 53, 131, 153, 207, 220, 265, 433.
- Robert Ceneau, Gallica historia, et son appendice sur les principales rivières, Paris, 1557.
- Jehan Chaumeau, Histoire du Berry, Lyon, 1566. Maurice Bouguereau en tira un petit discours.
- Bernard de Girard : Rerum Gallorum icones, Paris, 1559.
- Pascal Robin du Faux, Bref discours, gentil et proufitable sur l’excellence et antiquité du pays d’Anjou, Paris, 1582.
Les vers latins sont d’Ausone, de Jules César Scalier, de René Flaccus, dit Flacius, et de Jehan Du Puys.
Ces textes révèlent les centres d’intérêt des humanistes du XVIe s. : ils décrivent les fleuves et plus particulièrement le beau fleuve de Loyre, que les bateaux montent et descendent, détaillent les rivières d’Anjou et du Limousin, comme Robert Estienne dans sa Guide de 1553 ; il est sensible à l’aornement des forests et des hautes fustayes, aux landes propres à la chasse, à la fertilité des terrains ; il admire les chasteaux et maysons de noblesse, et plus spécialement ceux de la Vallée de la Loire ; il décrit les cité florissantes et bien assises, près de leurs belles fontaines aux principales places.
Il se penche sur les antiquités : arènes de Nîmes, aqueduc du Blaisois, Pont du Gard d’admirable structure, et se dit sensible devant la cathédrale d’Amiens, aussy belle et somptueuse que mille autre. Il admire les singularitez de la nature, fontaines chaudes de la Cherre et de Vichy, la source pétrifiante de l’abbaye de Saint-Alire, à Clermont-Ferrand. Il décrit la diversité des mœurs selon les teroirs, les antiquités de chaque province, les singularités de la nature :
Le Blaisois, courtois, doux, muny de bon esprit.
Le peuple du Maine, fort dévoteux et adonné aux pèlerinages.
Le Poitevin aymant les procez et les lettres, illustré de grand nombre de noblesse adroicte aux armes.
Cette géographie est tout à la fois psychologique, artistique et littéraire.
Le Théâtre françois évoque aussi d’une façon intéressée ou émouvante le drame de l’unité nationale avec la ligue. Catholique convaincu, Maurice Bouguereau prie que la Paix nous soit envoyée du ciel sous la domination de Henri IV très chrestien roy de France et de Navarre, pour tous ensemble, n’avoir qu’un Dieu, un Roy, une Foy et une Loy.
Le retour à Paris des meilleurs clients possibles, sans doute de Gabriel Tavernier, son graveur, tout incitait Maurice Bouguereau à publier vite son atls. Les épîtres au Roy et au lecteur datent du 15 octobre 1594 et situent approximativement la parution , sans doute incomplète dans l’esprit de son auteur, du Théâtre François.

L’homme et l’œuvre. Impression et publication. Contrat Maurice Bouguereau - Gabriel Tavernier. Payements du Théâtre François. Cession Jamet Mestayer - Maurice Bouguereau. Cartes. Flamandes. Françaises. Chronologie des cartes. Sources des notices.

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