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II Le Gaulois

L’histoire remplaça la préhistoire lorsque les sources écrites s’ajoutèrent aux sources archéologiques. En Val de Loire, ce passage eut lieu lors de la conquête romaine. Jules César fit ses Commentaires et les Gaulois, derniers envahisseurs en date, devinrent nos 1ers ancêtres historiques.
Les Celtes apparurent peu avant 800 avant Jésus-Christ : ils venaient du Sud de l’Allemagne où ils vivaient de leur agriculture et de leur industrie, jusqu’au jour où leurs voisins du Nord, touchés sans doute par de mauvaises conditions climatiques, vinrent leur disputer ce territoire. Par contrecoup, ils partirent à la conquête de l’Ouest, avec leurs moyens : la métallurgie du fer leur permit de fabriquer des armes supérieures à celles des peuples qu’ils envahissaient, leur connaissance du cheval et l’usage du chariot attelé leur permirent une grande mobilité. Quelles étaient ces populations qu’ils chassèrent ? D’où venaient-elles ? Dans quel ordre chronologique se superposèrent-elles ? Quelles langues parlaient-elles ? Peut-être l’historien arrivera-t-il un jour à répondre ce type de questions, grâce aux efforts conjugués du préhistorien, de l’anthropologue et du linguiste. L’apport de ce dernier sera décisif.

Les Gaulois ou Celtes font partie du groupe linguistique qu’on appelle aryen ou indo-européen, dont font partie le grec, le latin, les langues germaniques et slaves, le sanscrit, etc. Le Gaulois représente ainsi un des groupes indo-européens qui envahit l’Europe occidentale et parmi les peuples préceltiques qu’il soumit, certains durent parler une langue indo-européenne. Cette étape pré-gauloise a donc 2 niveaux linguistiques :
- la langue pré-indo-européenne dont des racines se retrouvent certainement dans les noms de cours d’eau et de relief de terrain.
- la langue indo-européenne, dont le gaulois fait partie, qui pourrait aussi expliquer ces 2 toponymes.
L’invasion gauloise se fit en 2 étapes : d’abord au XIe , puis au VIe s. Dès leur installation définitive, les Gaulois redevinrent très vite des agriculteurs. Ils prospèrent, une aristocratie se dégagea et un artisanat se développa dans les centres urbains. Lors de l’invasion des Romains, le Val de Loire était donc un pays relativement peuplé et riche. A son tour, l’envahisseur latin imposa sa langue et ses coutumes, assez rapidement dans la ville, plus lentement à la campagne. Ainsi, aucune des invasions successives n’élimina totalement la langue précédente. Le gaulois conserva des mots empruntés aux langues parlées avant eux et influença le latin parlé en Gaule. Le maintien de ces langues successives est surtout connu par les vestiges qu’elles laissèrent en toponymie, pour cette raison simple : il est difficile et peu avantageux de traduire des noms propres que l’habitant connaît et utilise sans avoir besoin d’en comprendre le sens étymologique.

Grâce à l’archéologie et aux textes latins, la civilisation matérielle gauloise est assez bien connue, mais leur langue reste plus difficile à cerner, car la source reste la littérature latine et la toponymie européenne. Des rudiments de morphologie lexicale se dégagent de l’analyse de ces noms. Par exemple, Vercingétorix : préfixe ver, 3 syllabes qui signifient guerrier, et rix, repris dans le latin rex = roi, non par emprunt, mais par communauté d’origine indo-européenne. L’identité des noms de personnes et de lieux à travers le domaine des Gaules laisse à penser que la langue gauloise se comprenait sur tout ce territoire et qu’elle présentait peu de variantes régionales. L’absence d’écrits conservés du IXe au 1er s. avant Jésus-Christ justifie la plus grande prudence. L’adoption de l’alphabet grec au IIIe s. avant Jésus-Christ, par l’entremise de la colonie phocéenne autour de Marseille, offre seulement des inscriptions sommaires sur les monnaies, des contrats commerciaux, des listes de noms d’hommes et un calendrier ; la littérature gauloise, lyrique et didactique, est restée orale et s’est donc perdue à jamais.
Cependant, des variantes locales dans cet univers trop vaste pour une langue unifiée, sinon unique, par ailleurs presque totalement rural, est plus que probable. Le gaulois possédait bien des ressemblances avec le latin, non seulement au niveau du lexique, comme rix et roi, mais encore dans la structure : génitif en i, thème en o, forme du futur en bo, etc., et de la philologie, ce qui peut s’expliquer par l’origine géographique quasi de ces 2 peuples, l’Europe centrale. Comme le latin, le gaulois est une langue à flexion, à déclinaison ou cas et à conjugaisons ; le gaulois connaissait peut-être les déterminatifs comme les démonstratifs, l’article. La morphologie est mieux connue grâce aux noms propres : dérivation riche, composition abondante des racines. La syntaxe reste une énigme.

Entre le IIe et le Ve s., pour des raisons qui restent inconnues, le gaulois disparaît du langage parlé au profit du latin gallo-romain. Certainement pour des raisons de communications : le latin gallo-romain servait dans la vie citadine et commerciale, le gaulois dans la vie familiale ; parler seulement gaulois coupait de toute vie socio-économique. Plaisant au départ, cette restriction devenait un handicap. Ce phénomène est bien connu des intégrateurs de populations : l’émigré parle et écrit sa langue, son fils la parle, son petit-fils l’ignore. La pression socio-économique de l’Empire romain fut donc assez forte pour imposer le latin, mais pas n’importe quel latin, le latin gallo-romain qui se subdivisait en autant de grandes régions juridico-économiques dans les Gaules : dialectes d’oc et d’oïl, et franco-provençal, le latin de la province par excellence, la Provence.
Les traces du gaulois en français restent aussi faibles que difficiles à retracer, car beaucoup sont connues à travers le latin gallo-romain tardif. Ex. : aloae, aloie qui aboutit à alouette, vient d’un aluda que les grammairiens latins considèrent comme d’origine gauloise, invérifiable. Reste que le gaulois influença le latin gallo-romain, et par celui-ci le roman et le français : palatalisation, évolution du u latin au u français, vocalisation du l final en u, etc.

Racines celtiques.

Au moment où les Romains achevèrent la conquête de la Gaule, vers 52 avant Jésus-Christ, le gaulois avait supplanté les langues antérieures sur la majorité du territoire qu’ils occupaient. En ville, le gaulois semble avoir cédé la place assez rapidement au latin, mais en le celtisant ; à la campagne, il dût subsister assez longtemps, surtout sur les parties les plus éloignées des courants de circulation humaine : plateaux de chaque côté de la Loire et de ses affluents. Les noms de lieux gaulois forment un groupe d’origines diverses : certains datent de l’indépendance des Gaulois ou de l’occupation romaine ; d’autres sont hybrides, moitié gaulois, moitié latins ; d’autres enfin sont des substantifs gaulois passés dans les dialectes romans et devenus des noms de lieux longtemps après la disparition du gaulois parlé.

Nom.

Les substantifs gaulois bona = fondation, briga, briva = hauteur, château fort, dunum = château, forteresse, etc., furent si souvent employés comme 1er ou 2d terme de composition d’un nom de lieu, qu’ils jouent presque le rôle de suffixe. Lorsqu’ils sont employés comme 2d terme, ils s’unissent souvent au 1er par un o de liaison qui porte l’accent tonique. Ils survécurent longtemps à la langue gauloise, puisqu’il arrive que le 1er terme est un nom roman comme Châteaudun.

Bona. Fondation.

Briga, Briva. Briga = hauteur fortifiée, château fort. Briva = pont. Suffixe : euvre.
Ces 2 mots gaulois ont la particularité d’aboutir régulièrement : à brie, employés isolément, et au suffixe euvre en composition. A l’origine, la forteresse était bâtie sur une hauteur naturelle ou artificielle. Dans les mots composés avec briga, le i final étant bref, l’accent portait sur l’antépénultième, généralement un o. La terminaison fut donc obriga et fut comprise comme un véritable suffixe. Accentué sur le o, ce groupe produit le son obria par disparition de la consonne sonore entre 2 voyelles. Obria, écrit le plus souvent obrium, rarement uvrium, se simplifie en obra ou obrum ; d’où l’adjectif en obrensis. En français, obria aboutit à uevre ou euvre ; ainsi Sodobria devient Suèvres, avec le s parasite. Briga servit à former des toponymes sous l’empire romain : Caesarobriga. Avec voyelle de liaison Vendoeuvres : vindo = blanc, et o-briga ; o diphtongue en eu. Sans voyelle de liaison Brion : briga et suffixe gaulois ou latin à valeur collective o-onem.

Cambo. Courbe.

Cammino. Chemin.

Comboros. Encombrement de terres ou de pierres.

Dunum. Château, forteresse. Avec voyelle o de liaison Ardon : are = devant, et o-dunum. Sans voyelle o de liaison Issoudun : exello = élevé, et dunum.

Duros. Porte. Suffixe : eure.
Duros a son 1er u bref et s’écrit dorum dans le bas latin du VIe -VIIe s. La partie étant prise pour le tout, le sens primitif de porte évolua naturellement vers celui d’habitation. Ce phénomène continua en ancien français où le lieudit la Porte, la Tour, etc., est souvent suivi du nom du propriétaire ou du tenancier primitif.
Durum se trouve dans les composés, où il figure rarement comme 1er et généralement comme dernier élément. Comme dunum, durum continua de s’employer après la conquête romaine, ainsi que le démontrent les noms hybrides : Augustodurum, Albiodurum ; à cette différence près qu’il persista toujours accompagné, donc qu’il disparut tôt comme nom commun et agit comme un véritable suffixe. Le sens du mot cessant d’être compris dans les composés, l’accentuation gauloise se maintint, avec son corollaire, la syncope.
Lorsque durum constitue le dernier élément du nom, le 1er élément se termine par o et il en résulte un groupe final odurum. Le u de du étant bref, l’accent passe régulièrement sur l’antépénultième, soit sur le o. Comme le u de du est atone, il se transforma en o, puis disparut. Il se produisit une finale odorum ou odorus, dont Grégoire de Tours témoigne dans son Histoire des Francs, puis oderum ou oderus, odrum ou otrum aux VIIe -VIIIe s. En passant en français, il y eut assimilation de la dentale au r suivant, produisant un redoublement de cette lettre ; et odrum aboutit à orre ou à ore, puis à eurre ou à eure, enfin erre ou ere, parfois prononcé arre ou are en Val de Loire. Parfois, par sigmatisme, la finale ere ou erre aboutit à èse en Berry : Arnèse ou Arnaise, de Ernodurum, Cne de Saint-Ambroix, Cher.

Ialo. Champ, espace découvert, clairière. Suffixe : euil.
Ialo se latinisa sous la forme ialum. Dans les mots composés avec ialum, le 1er mot se termine toujours par o accentué qui précède ialo. La finale ialum vient du substantif ialo et agit comme un véritable suffixe. Le substantif associé à ialum est gaulois et latin ; preuve que ce terme survécut à la période gauloise. La terminaison o-ialum s’altéra au VIIe s. en oilum, puis, par l’introduction de la gutturale g, notation d’un i semi-consonne, se modifia en ogilum ou ogelum ; le g sonore intervocalique disparut et cette finale devint olium. Accentué sur le o, cette finale aboutit à euil ou à eil. Ainsi, oialum, par chute du a bref qui suit la tonique, aboutit à olium, en français euil.
Dans le Cher, dans le Loiret et dans une partie d’Eure-et-Loir, euil s’assourdit en eau et parfois en ou en iou Les composé en ialo peuvent renvoyer aux 1rs centres de défrichement ayant formés des domaines agricoles ; mais ce type de composition était encore vivace vers 400 puisque le 1er élément est parfois latin. Ce type reste lui aussi presque absent du plateau, bien qu’il se trouve plus loin des grandes vallées que les autres formations gauloises qui subsistent : Autheuil est près du Loir, Bailleau-le-Pin se trouve sur le plateau au Sud-Ouest de Nogent-sur-Eure, Bailleau-l’Évêque près du ruisseau, affluent de l’Eure ; Santeuil près des sources de la Voise, Chanteau dans une clairière de la forêt d’Orléans.

Lann. Endroit consacré, sanctuaire central.

Magos. Marché.

Mantalo. Route.

Onno et Onna. On, onne.
D’après Endlicher, De nominibus gallicis, le substantif onno, au cas oblique, aurait le sens de flumen = cours d’eau. L’accusatif onnum aboutit au français on. Onna peut être la forme féminine de Onnus, ou un masculin latinisé qui passe au féminin en français ; l’accusatif onnam, masculin ou féminin, aboutit au français féminin onne. Son sens reste identique : source, fontaine. Le substantif onna se différencie du suffixe ona, qui forme les noms de rivière ; l’o de onna est long, donc tonique et se maintint en français, tandis que celui de ona est bref et atone. En final, ces 2 formes furent comprises comme de véritables suffixe.
Parmi les noms de cours d’eau dont le dernier terme est l’accusatif onnum, beaucoup sont attestés sous la forme onem à l’accusatif, qui aboutit à on en français. D’où la latinisation de cette terminaison on en onium par les lettrés des XIe -XIIe s. Les chartes transcrivent souvent la terminaison onna par ona ou onia, voire una, umna ou unna.

Randa. Partie. Au pluriel : limites, frontières.

Rate. Rempart.

Rigos. Roi.

Ritos. Gué.

Vabro. Produit de l’eau, délaissé de l’eau, alluvion ; ravin, cavité creusée par les eaux, précipice, torrent.

Adjectif.

Arganto. Blanc, blanc comme de l’argent.
Maro. Grand.
Noviento. Nouvelle (ville), qui aboutit à Nogent, appartient à la dernière époque gauloise : chacun de ces noms se trouve sur une rivière ; Nogent-sur-Eure, Nogent-le-Roi, sur l’Eure, et Nogent-le-Phaye à l’origine du ruisseau affluent de l’Eure vers Oisème.
Géographie.
Les noms gaulois d’ordre géographique subsistent surtout à la périphérie de la Beauce, mais ils purent se cristalliser à l’époque gallo-romaine.
Alluyes, de aballo = pomme ; Jupeau, de Juppus = genévrier noir ; Nant = ravin, ruisseau, 1er nom de Saint-Luperce ; Ver-lès-Chartres, Ver = aulne ; Lumeau, Lemo = orme.
Sur le plateau beauceron se trouvent 2 toponymes gaulois, Voves, vidua = forêt, et Allonnes, divinité gauloise ; ces 2 toponymes se situent l’un et l’autre sur les 2 voies romaines et anciens chemins gaulois, de Chartres à Orléans, et représentent 2 stations d’étape dans une région sans doute peu habitée.

Suffixe de possession acos latinisé en masculin acus et en féminin aca.

A partir du 1er s. avant Jésus-Christ, les toponyme en acus se multiplie autour des grands centres et le long de chaque voie romaine. Ce suffixe est attesté dans quelques noms communs gaulois ; vers 55 avant Jésus Christ, Jules César, La guerre des Gaules, l’atteste dans des noms de personnes : Diviciacus, Dumnacus, Valentiacus. Employé pour former des noms de lieux, il paraît chez Pline : Gesoriacum, et plus fréquemment à partir du IIe s. après Jésus-Christ; mais la vogue de son emploi date du IIIe -IVe s., lorsque le latin remplaça définitivement le gaulois. Dans ces conditions, ce suffixe semble d’un emploi plus fréquent avec des noms propres qu’avec des substantifs, pour former des noms de lieux, noms propres gaulois bien attestés, nom de notable, évidemment, qui, quoique romanisés, conservent des racines gauloises avec des finales latines.
Acus précédé d’un nom en us. Le nom français se termine le plus souvent en é. Ex : Droué.
Acus précédé d’un nom en ius. Cas le plus fréquent. Lorsque la finale du nom gaulois comporte une voyelle i devant le os ou le us final, ce i modifie le traitement du suffixe acos : iacos devient : y, ay, ey, parfois é, et dans le Sud de la Région Centre, ac. Exemple : Billy, Cintray, Veigné, Chaillac.
Acus précédé d’un nom en us. Lorsque la finale du nom gaulois n’a pas de i en hiatus à la dernière syllabe, le toponyme peut se former sur le modèle de la 2e forme : ius, et le suffixe devient iacus. On parle alors de faux suffixe en i-acus. Ex. : Douy.

Ce type de toponyme est particulièrement dense au Nord-Ouest d’Orléans, où la mise en valeur de la Beauce dut se faire à partir de la Loire et d’Orléans, au Sud et à l’Ouest de Chartres, où Oiray, Amilly, Cintray et Chazay jalonnent les 1ers défrichements par le Sud de la forêt de Bailleau-l’Évêque. Ainsi s’explique la limite du nouveau diocèse d’Orléans créé au IVe s. par démembrement de celui de Chartres, qui coïncide au Nord-Est avec l’extrémité des terres à blé de la Beauce orléanaise. Ce suffixe remonte les vallées latérales tributaires des rivières de l’Eure et du Loir, mais le plateau en conserve peu, sauf le long des grandes routes : d’Orléans à Paris, de Chartres à Orléans par Voves, avec Fains, confins des diocèses de Chartres et d’Orléans ; sur ou près de la route de Chartres à Châteaudun et de Chartres à Blois. Ainsi le cœur du plateau semble peu concerné, avec un gros centre de résistance au Sud-Est de Châteaudun, au Nord de la rivière de l’Aigre.

Suffixe ate.

Ce suffixe locatif pré-gaulois se rencontre dans les formations comme condate, mot qui désigne le confluent dans une langue parlée en Gaule avant l’arrivée des Gaulois, puisque le mot celtique était comboro, conservé dans la toponymie ; ainsi les Gaulois durent adopter condate comme synonyme de comboro. Ce suffixe est aussi en relation directe avec une finale de noms de peuples et doit renvoyer à une agglomération plus ou moins importante et non à un simple domaine rural, valeur postérieure possible et sans doute exceptionnelle, ates indiquant les habitants de l’agglomération ou de la région qui en dépendait. Dans tous les cas, il indique le lieu et équivant à : à le ; avec un nom : condos et ate = au confluent, français candes ; avec un nom d’homme : Arnos et ate = au lieu où habite un homme appelé Arnos, français arnas, chez Arnos.
Si les Gaulois ont conservé une partie des noms légués par leurs prédécesseurs, s’ils en ont traduit quelques uns, ils en laissèrent de nouveaux pour les lieux qu’ils défrichèrent et qu’ils habitèrent : à nouvelle installation, nouvelle désignation. Les toponymes gaulois s’inspirèrent du site, de la faune et de la flore, ou tout simplement utilisèrent des mots signifiant peu ou prou leur habitation : lieu fortifié, village, maison isolée au centre d’un domaine ancien ou fraîchement défriché.

Divinités gauloises.

La connaissance des dieux gaulois se cache derrière un double écran :
- la romanisation. Des noms romains furent appliqués aux dieux celtes.
- la christianisation. Le saint ou la sainte remplace très souvent un héros antique, un dieu et une déesse païens ; en effet, dès les début du christianisme, le culte du saint permet de remplacer les personnages du panthéon païen par ceux d’un panthéon plus familier, un héros que chacun peut replacer dans l’histoire, donc plus efficace, tout en conservant l’idée et la pratique même de ce panthéon. Ainsi saint Martin, évêque de Tours, fit tout ce qui était en son pouvoir pour extirper les cultes celtes romanisés.
Comme les divinités gauloises furent souvent identifiées aux divinités latines correspondantes, si le christianisme n’était pas parvenu, ces noms de dieux latins auraient fini par l’emporter. Comme au IVe-Ve s., au moment où le christianisme triompha en Gaule, certains noms de ces divinités gauloises étaient encore en usage, la disparition du culte païen d’origine romaine provoqua la cristallisation toponymique de nombreux noms de temples, qui montrent où en était la romanisation des noms de divinités gauloises. Si la Minerve latine pouvait provoquer le courroux du clergé catholique, la Belisma gauloise était sans danger, puisque incomprise du peuple gallo-romain, elle se trouvait hors culte. Ces localités anciennes montrent qu’il s’agissait de sanctuaires importants ; à l’inverse, d’autres temples pouvaient se situer à l’écart des agglomérations, comme le montre le toponyme Étang de Bellesme, Eure-et-Loir.
Les dieux les plus présents dans la toponymie actuelle du Val de Loire, sont ceux dont le nom est lié à une source. Ainsi leurs noms, à la fois nom de la source et de la divinité qui y était associée, durent leur conservation à ce souci 1er de tout homme : boire. Dans ce type de toponymes, la disparition du substantif templum, fanum, mons ou aquae, précédant le nom de la divinité, est presque constante aussi bien pour les divinités gauloises que latines.

Nom de peuple gaulois.

Avant la conquête romaine, la Gaule était une mosaïque de tribus. En Région centre :

Bituriges. Gaulois bitu = monde, et riges = rois : rois du monde.

Carnutes. Carni, peuple celte des Alpes Juliennes et Noriques, peut-être apparenté à la racine carn = amas de pierre, ou carn = corne.

Durocassis. Duro = dur, et cassi : amour, haine, boucle, rapide, agréable.

Turones. Tura = fort, riche, et suffixe à valeur collective o-onem. A la différence des autres peuples ou tribut, les Turones avaient 4 villes importantes sur le territoire : Amboise, Langeais, sur la Loire, Chinon, sur la Vienne, et Loches sur l’Indre, sans capitale, puisque celle-ci fut créée vers 25-30 après Jésus-Christ.

Chacune avait son territoire. Elles se fédéraient en groupements plus vastes, que les Romains appelèrent civitates, cités. Chaque cité avait à sa tête son roi héréditaire et sa capitale, souvent un modeste bourg fortifié. Pour des raisons de commodité, et sans doute d’efficacité, l’administration romaine respecta ces divisions traditionnelles, quand elle occupa le pays. Elle permit aux vaincus de se gouverner eux-mêmes, à moindres frais pour le vainqueur. Auguste désigna ainsi 60 chefs lieux dans toute la Gaule, soit des agglomérations déjà importantes, comme Chartres, soit des capitales créées de toute pièce comme Tours dans un lieu où devait exister quelques huttes au bord de la Loire. Ces chefs-lieux devinrent des villes peuplées et actives, car toute l’administration gallo-romaine s’y concentrait. Les notables s’y installèrent, avec tous ceux qu’ils faisaient vivre. Entre 250 et 350, elles devinrent le siège des évêchés catholiques.

Leur nom actuel est généralement différent de celui sous lequel les textes latins les font connaître. En effet, l’habitude se prit vite de désigner la capitale de la cité par le nom propre du peuple gaulois qui l’habitait.

Nom de personne gaulois.

Le nom de lieu d’origine gauloise peut coïncider avec un nom de personne d’origine gauloise attesté. Le nom de personne est certainement devenu un nom de lieu : bien que romanisé, le notable gallo-romain, propriétaire ou tenancier primitif, conserva son nom d’origine et le donna à sa propriété. Ce nom propre de personne provient certainement d’un nom commun, qu’il serait vain de vouloir restituer. Ex. : Ids, gaulois Iccius.

Beauce.

Le phénomène le plus important de cette région de grande culture est l’absence presque complète d’élément préceltique en dehors des noms de rivière, et des noms formés avec les suffixes ascus, oscus, uscus que les Gaulois adoptèrent en toponymie, mais antérieur à leur arrivée en Gaule. Pourquoi les habitants des vallées de la Loire, près d’Orléans, des rivières du Loir et de l’Eure laissèrent-ils peu de trace dans la toponymie ? L’influence qu’exercèrent les Gaulois et la densité de leur population offrent une réponse partielle.
La couche la plus ancienne se forme de mots simples et rares, et de leurs dérivés. Sans compter Autricum, 1er nom de Chartres, formé de Autura = Eure, et du suffixe icum, Genabum, 1er nom connu d’Orléans, et dunum = hauteur, puis forteresse, ces noms se retrouvent le long des vallées et apparaissent au Nord-Est du plateau, à l’origine des rivières du bassin de la Seine.

Faune et flore.

En règle général la faune et la flore restèrent des espèces sauvages, les Gaulois ayant donné à leur installation des noms correspondant à ce qu’ils trouvaient sur place plutôt qu’à ce qu’ils cultivaient et élevaient.
Ces toponymes gaulois prouvent que l’organisation historique du paysage reste la même pour une région donnée : l’habitat groupé ou dispersé, le champ ouvert ou clos, la ville sont le résultat d’une adaptation de l’homme au site. Comme le site historique varie peu, et qu’il suppose presque toujours la même adaptation de l’homme, le seul changement possible fut la démographie : en période d’expansion, l’homme occupa les sites les plus défavorables comme les plateaux arides de la Touraine et du Berry ; en période de régression, il conserva seulement les plus favorables, comme les régions riches de la Beauce et les vallées du chevelu des rivières.

Habitation et construction.

Les termes gaulois désignant des constructions sont un reflet des formes de la vie économique et sociale. Ainsi aux toponymes en ialo correspondent le plus souvent des villages de paysans établis au centre de défrichement ou de zone cultivée ; aux toponymes en mago les bourgs commerçants établis au carrefour d’axes routiers ; aux toponymes en duno et en duro, des villes fortifiées, refuges en cas de guerre et résidences permanentes des administrateurs civils et militaires, des notables et d’une population d’artisans et de commerçants.

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