11paysage rural. XIXe s.

XI Paysage rural. XIXe s.


Évolution de l’économie agricole.

Contrairement à toute attente, les influences du pays de grande culture eurent les effets les plus considérables dans la Région Centre du XIXe et du XXe s. Transplanté sous un climat qui le privait de ses principales cultures, le domaine rural romain aboutit à la pauvre métairie des plateaux berrichons. Déjà au XVIIIe s., les exploitants de la Beauce qui représentaient la grande culture, la civilisation agricole supérieure des Physiocrates, considéraient avec un certain dédain les métayers pasteurs qui dispersaient leur bétail dans les vastes brandes attachées aux domaines de la petite culture. Un prestige infiniment supérieur à celui du vignoble ou des cultures fruitières s’attachait déjà aux signes distinctifs de l’agriculture beauceronne, assolement triennal, emploi des chevaux pour le labour, plan des bâtiments de l’exploitation.

Depuis le XVIe s., tous ces usages pénétrèrentprogressivement dans la grande ou la moyenne propriété des pays de petite culture. La supériorité de la Beauce fut portée à son comble à partir de 1830, par l’établissement de la culture de la betterave à sucre sur l’ancienne sole de la jachère.

Les transformations qui depuis cette date, effacent les tristes paysages de landes du XVIIIe s. qu’Arthur Young et les Physiocrates avaient sous les yeux, s’expliquent donc moins par la pénétration des influences de la culture beauceronne sur les autres pays de la Région Centre que par l’apparition d’un nouvel outillage agricole. Jusque vers 1830, l’économie de ces pays réagissait avec une extrême sensibilité à la consistance du sol ; elle s’écartait de ceux qui résistaient à la pénétration de l’outil, ou, si elle les occupait, elle devait les laisser improductifs de façon régulière, faute de labours plus profonds.
Ses insuffisances disparurent lorsque les instruments aratoires qu’elle employa, furent susceptibles de labourer des terres lourdes sur plus de 20 cm de profondeur, sans le secours d’une force motrice très supérieure à celle qu’exigeait le vieil araire. Bien plus que l’engrais chimique, la charrue Dombasle à versoir métallique et les charrues légères qui en dérivent, contribuèrent au défrichement des brandes et des bruyères. Par l’allégement que ces instruments apportèrent à l’effort du laboureur et de son attelage, ils permirent au petit cultivateur berrichon, solognot et tourangeau d’attaquer des sols plus lourds que ceux des champagnes et des gâtines primitives.
Si la tendance des petites exploitations à progresser aux dépens des domaines enclos commença à se manifester avant ce changement technique, sur des sols exceptionnellement légers, comme ceux du Perche ou de la plaine alluviale de la Loire, elle devint générale sur les plateaux eux-mêmes à partir de 1830.
En Touraine et en Berry, les cultivateurs commencèrent dès lors à dépecer les propriétés bourgeoises et aristocratiques et le bocage put seulement résister à l’offensive des champagnes et des gâtines dans les régions où la fécondité naturelle des pâturages pouvait accroître le nombre et la cohésion de ses cellules. Une fois encore, les phénomènes physiques agissaient le plus fortement sur le paysage agricole par l’intermédiaire de l’herbe.

Cette évolution conserve, cependant, l’origine de chacun de ces pays. Si, par exemple, la Champagne berrichonne est devenue une terre à blé à partir de 1880, pâle imitation d’une Beauce toujours conquérante, à l’avant-garde de la technologie de pointe, elle conserve toujours une longueur de retard : alors que dès 1950 le Beauceron récolte du maïs, il faut attendre 1970 pour le voir s’introduire en Champagne berrichonne.

Cette évolution prend schématiquement depuis 1950 la forme suivante :
- Organisation du terroir. La Beauce est rejointe dans son paysage par la Champagne et par la Gâtine : champ ouvert et bois intercalé, dont la production se dirige principalement vers les céréales, avec l’abandon massif de l’élevage. Seul le bocage de la petite culture conserve sa structure de champ clos et son économie mixte d’élevage et de culture.
- Habitat. Les quelques créations du XIXe s. favorisèrent l’habitat dispersé : La Réserve, commune de Cinq-Mars-la-Pile. Et en ce sens, la Beauce rejoint tous les pays de petite culture : bocage, champagne et gâtine.

Sologne.

Résultant moins d'une volonté de ses habitants que de celle du politique, l'action de l'empereur Napoléon III, l'évolution du payage en Sologne est aussi typique que quantifiable.

Évolution du paysage. 1820-1887.

Superficie totale : 483.641 ha.
Cultures : 478.659 ha

 

1er Cadastre

1887
Augmentation
Diminution
Terres et jardins
239.103 ha
275.155 ha
36.052 ha
 
Prés
24.767 ha
23.064 ha
 
1.703 ha
Bois
69.829 ha
125.578 ha
55.749 ha
 
Étangs et marais
11.693 ha
8.946 ha
 
2.747 ha
Landes, bruyères
122.024 ha
33.644 ha
 
88.380 ha
Vignes
11.243 ha
12.272 ha
1.029 ha
 
Totaux
478.659 ha
478.659 ha
92.830 ha
92.830 ha

Les 2 plus fortes variations : bois en augmentation et landes en diminution, montrent l’évolution du paysage.

Évolution du nom des lieux-dits. 1820-1887.

De nouveaux noms apparaissent ici ou là, signe de la nouvelle économie qui s’introduit. Pour l’essentiel, ces noms restent stables, permettant ainsi de connaître l’économie précédente, du XIIe au XVIIIe s.
La date d’apparition du nom du lieudit est encore ici capitale.

Évolution de l’habitat.

Le vaste mouvement migratoire de la campagne vers la ville dont les cahiers de doléances de 1789 montrent qu’il s’initia dès la fin du XVIIIe s., qui s’amplifia début XXe s. et qui désertifie les campagnes de sa population au profit de la ville, après 1950, rappelle, sous un autre mode, mais avec des effets similaires, les périodes de dépeuplement que connut la Région Centre entre les VIe et IXe s. : abandon du bâti par ses habitants, destruction, remise en culture ou en jachère, comme en témoigne la disparition des fermes isolées, voire des hameaux en Brenne, entre la confection des plans cadastraux Napoléon début XIXe s. et Rénovés à partir de 1932.

Comme toujours, le passage du bâti au non bâti souligne un abandon par l’homme et a peu de chose à voir avec la richesse du sol.

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